Les îlots : sentinelles du lagon calédonien

Les îlots : sentinelles du lagon calédonien

Face à la tendance mondiale du recul de nombreux rivages et de l’accélération de l’érosion côtière dans le cadre de la remontée du niveau marin, conséquence du changement climatique, l’étude des dynamiques contemporaines du littoral et du suivi du trait de côte revêtent d’une grande importance. C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet de recherche Shoreline Monitoring Project in Oceania dirigé par Pascal Dumas, Maître de Conférences HDR à l’Université de la Nouvelle-Calédonie et soutenu financièrement par le PIURN (Pacific Islands Universities Regional Network) et le Fonds Pacifique (Ministère des Outre-mer). Cette recherche se déploie en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu et aux Fidji.
En Nouvelle-Calédonie, ce projet se concentre particulièrement sur l’analyse des changements géomorphologiques des îles et îlots. Il s’agit d’analyser et de mieux comprendre les modifications du trait de côte dans un contexte de changement climatique et de pressions naturelles et anthropiques croissantes à l’échelle de ces milieux géographiques singuliers. Pour y tendre l’imagerie aérienne et satellitale ainsi que les SIG sont largement mis à contribution.  Noé Alix, étudiant en Master 2 Dynarisk (Dynamiques des milieux et des risques) à l’Université Paris Cité, réalise son stage sur ce sujet. Il a ainsi identifié 150 îlots localisés au niveau des côtes Ouest et Est, de la Corne Sud du lagon, des atolls d’Entrecasteaux et Chesterfield et réalisé une base de données d’environ 2 000 images, couvrant une période allant de 1943 à 2024. Cet inventaire regroupe principalement des images satellites très haute résolution spatiale (THR) fournies par Google Erath Pro (figure 1) mais aussi des photographies aériennes mises à disposition par la DITTT, le catalogue UIA (données Pléiades THR) et des orthophotographies acquises par drone par P. Dumas.
 

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Figure 1 : Vue aérienne de l’îlot Goldfield, situé à l’Ouest de Timbia, datant du 11 novembre 2023 (Source : Google Earth Pro)

La phase actuelle du projet est centrée sur le géoréférencement des images (figure 2), étape indispensable pour leur exploitation dans un système d’information géographique (SIG) et leur comparaison géographique. Ce travail est mené de manière collaborative par Noé et les étudiants de Licence de Géographie de l’Université de la Nouvelle-Calédonie. Cette démarche pédagogique permet ainsi de renforcer la formation à la géomatique tout en contribuant à un projet appliqué d’intérêt territorial.

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Figure 2 : Étape de géoréférencement d’une image Google Earth Pro datant de 2004, à partir du fond d’orthophotographies de l’IGN 1976 (50cm de résolution spatiale) – logiciel QGIS

Cette étape de géoréférencement est suivie d’une numérisation du trait de côte pour chacune des images. Ce type de levé permet de représenter sur le plan (x,y) par photo-interprétation la position géographique du trait de côte sous la forme d’une ligne (figure 3). Le suivi de la dynamique du trait de côte repose alors dans la comparaison des lignes levées à des dates distinctes. Pour tenir compte de la forte mobilité des îlots, la limite de végétation permanente (LVP) a été choisie comme indicateur de référence. C’est aussi le marqueur le plus aisément identifiable par photo-interprétation. Son déplacement dans le temps est un bon indicateur de l’évolution morphologique des îlots : son recul à l’intérieur des terres peut caractériser une phase d’érosion et à l’inverse, son avancée, une phase d’accrétion. A partir de cette base de données spatialisée sous SIG, nous mettrons en œuvre des analyses quantitatives de la mobilité de la ligne de rivage des îlots en calculant des taux d’érosion. 
Par la suite, il s’agira de corréler les données acquises avec les variations spatio-temporelles des facteurs de forçages climatiques et météo-marins locaux et globaux accessibles tel que les paramètres d’exposition aux vents et aux vagues ainsi que les effets des évènements extrêmes (cyclones, dépressions tropicales et « coups d’ouest », les données de variation climatique interannuelle conditionnée par l’ENSO (El Nino-Southern Oscillation), l’IPO (Interdecadal Pacific Oscillation), ou encore l’élévation du niveau marin. Cela permettra de mieux comprendre et interpréter les changements morpho-sédimentaires des îlots, de même que la mobilité de leurs rivages.
Ce corpus pourra possiblement alimenter les bases de données déjà existantes, notamment celles d’OBLIC et de la plateforme Georep.nc.

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Figure 3 : Exemple de l’évolution de l’îlot Goldfield après la digitalisation des LVP (de 1976 à 2023). Source : N. Alix

Auteurs : Dumas Pascal et Noé Alix